• Entre le massif des Corbières et les contreforts des Pyrénées, une nouvelle génération de vignerons donne à ce vin doux naturel une deuxième jeunesse

    On peut le garder plus de cinquante ans et le déguster après le repas, sur un gâteau aux noix ou accompagné d'un cigare. Avec sa robe acajou et son goût de pruneau, de vieille eau-de-vie, voire de torréfaction, il paraissait immuable.

    Comme ces amateurs à l'ancienne qui, par tradition, finissaient toujours la «gueule sucrée». Bref, on le croyait rangé parmi les reliques des vins doux naturels VDN qu'on ne sort plus de la cave qu'une fois par an.

    Pourtant, le maury n'a pas encore accompli sa mutation. Depuis le début du millénaire, ce vin sucré parce que «muté» (la fermentation du jus de raisin est stoppée par ajout d'alcool), qui vécut la gloire des VDN, puis la crise des années 1980, connaît une deuxième jeunesse.

    Une nouvelle génération de vignerons est en train de dépoussiérer ce cousin du banyuls: anciens coopérateurs ou nouveaux venus, à l'image de Jean-Luc Thunevin, l'initiateur des vins de garage dans la région de Bordeaux, associé à Jean-Roger Calvet, de la famille Parcé, du domaine de la Rectorie, à Banyuls-sur-Mer, qui a fondé la Préceptorie de Centernach, et, surtout, d'Olivier Decelle, qui a quitté la présidence des surgelés Picard pour reprendre avec brio le célèbre Mas Amiel.

    Paradoxalement, c'est la version «sec» du maury qui les a attirés ici. A cause de ces terroirs de schiste au potentiel exceptionnel, situés entre le massif des Corbières et les contreforts des Pyrénées, à 30 kilomètres au nord de Perpignan. Une petite langue de terre pauvre - 5 kilomètres de largeur sur 14 de longueur - mais très favorable à la culture du grenache noir.

    Ces vignerons ont renouvelé les méthodes, en appliquant les recettes du sec au doux. «Il y a cinq ans, il était inimaginable de récolter en caissettes, ça n'a l'air de rien, mais c'est une révolution!» souligne Stéphane Gallet, régisseur du Mas Amiel - dont les maurys, un brin technologiques, ont une remarquable puissance aromatique.

    Grâce à un tri très sélectif, parcelle par parcelle, plus aucun grain passerillé n'entre dans les cuves du Mas. Le vin n'est plus muté sur le jus, mais sur le grain, pendant la macération. Un soin tout particulier est apporté au contrôle des températures, et l'élevage se fait à l'abri de l'oxygène , en fûts, puis en bouteilles. Contrairement au maury traditionnel, qui, lui, est élevé dans des foudres, ou même en bonbonnes de verre laissées au soleil, afin qu'il s'oxyde  donc donne un vieillissement rapidement.

    La mode a changé, le style du maury aussi. A la façon des portos, le vintage a aujourd'hui la cote. Il se boit jeune, sur le fruit, sans aucune oxydation. Sa robe couleur rubis est profonde et ses arômes exhalent des parfums de mûre sauvage, de griotte et d'épices. La bouche est gourmande, fraîche, voire minérale. Et la sucrosité se fond dans les tanins. Le contraste est total!

    "Dans les années 1960, l'oxydation était subie plus que recherchée. Le vin était suffisamment fort pour tout supporter: la chaleur et le soleil, explique Daniel Laffite, du domaine des Soulanes. Or, on en faisait un signe de terroir!"

    "Le vintage exprime l'identité du sol et du millésime, alors que l'oxydation les gomme", ajoute Vincent Legrand, de la Préceptorie. "Mon premier vintage a été ajourné, car il ressemblait trop à du vin!  Pour moi, c'était plutôt flatteur, raconte Robert Pouderoux, l'un des précurseurs, dans les années 1980.

    Après le rouge, la plupart de ces rénovateurs s'attellent aujourd'hui à réinventer le maury blanc.

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